Depuis son premier roman, « Les Nœuds d’acier », couronné par le prestigieux Grand Prix de littérature policière en 2013, je suis Sandrine Collette, de livre en livre, avec toujours le même engouement pour ses romans noirs, tous plus atypiques les uns que les autres.
Son 8ème roman, "Et toujours les Forêts", lu pendant le confinement, vient de recevoir le Grand Prix RTL-Lire ainsi que le Prix de la Closerie des Lilas, changeant, pour cette occasion, d’éditeur.
Elle se sent plus à sa place chez Lattès, plus identifiée «littérature» que chez Denoël dans la collection de romans policiers « Sueurs froides » où, dès le début , elle n'a pas compris que ses romans noirs, inclassables et sans étiquette y aient une place. Cette entrée chez ce nouvel éditeur va sans doute lui permettre de toucher des lecteurs de littérature dite "blanche".
Née en 1970, elle passe un bac littéraire puis un master de philosophie .
Elle vit entre le Morvan où elle élève des chevaux et restaure des maisons, et Paris où, grâce à son Doctorat en science politique, elle a enseigné à l'université de Nanterre, y est désormais chef de cabinet du président de cette université et consultante à mi-temps en ressources humaines.
Elle a toujours aimé lire, notamment des contes, mais se désole que ses parents, son frère et sa sœur ne soient pas lecteurs.
Elle dit "écrire ce qu'elle aime " mais elle se met à rude épreuve dans ses textes, mettant en scène ses propres phobies : sa peur de l'eau dans "Juste après la vague", son angoisse de perdre ses repères dans une tempête de neige dans "Six fourmis blanches". Elle y décrit des pays qu'elle n'a jamais visité, de peur de prendre l'avion : le Népal dans "Animal" ou l'Argentine dans "Il reste la poussière" : l'écriture comme une catharsis ?
J'ai intitulé cet article "Il était une fois ...Sandrine Collette" car tous ces romans ne sont rien d'autres que des contes mettant en scène un ou des héros (plutôt anti-héros ), qui ont mal démarré dans la vie, dans un milieu hostile (la forêt, une tempête, une casse auto, les plaines de Patagonie, les montagnes Népalaises... ), en proie à des situations difficiles où, après un cheminement aux nombreuses embûches, ils doivent se surpasser pour survivre dans des conditions extrêmes et, enfin, se trouver eux-mêmes.
Ajoutez à cela, une maison dans les bois ( "Et toujours les Forêts"), une nature impitoyable (" Juste après la vague", "Six fourmis blanches"), des animaux (le chiot Aveugle mais aussi les loups dans "et toujours les Forêts"), une atmosphère onirique, un soupçon de magie dans son écriture si poétique et des rencontres ainsi que des liens familiaux qui sauvent.
Ses personnages, des "taiseux", souvent des enfants : une fratrie dans "Juste après la vague", une adolescente et son bébé dans "Les larmes noires sur la terre" qui a reçu le prix Sang d'encre des lycéens de la Vienne en 2017, des frères dans "Il reste la poussière" , Prix Landerneau du Polar 2016, des enfants délivrés dans "Animal", une sœur à la recherche de son frère disparu dans "Un vent de cendres", comme autant de romans initiatiques, romans de survie, de survivance aussi.
La place de la famille est prépondérante dans ses textes, comme le seul endroit où l'on peut se reconstruire.
Ce qui l’intéresse c'est la psychologie humaine, décrire les sensations, les émotions de ses personnages, dire l'indicible, le rien, la catastrophe, grâce à un travail sur la langue, tantôt épuré,sec ("Et toujours les Forêts") tantôt plus "rond" (Il reste la poussière").
Elle nous questionne aussi sur notre rapport à l'animalité: quelle part sauvage avons-nous en nous ? L'animalité comme ce qui reste de nous quand on n'a plus rien d'humain ( l'instinct, la sauvagerie),mais aussi comme un rapport à la nature plus sain et digne qui va nous permettre de nous "en sortir".
Fascinée par la Nature, omniprésente, dans toute sa force destructrice mais aussi dans sa force de vie, elle sait comme peu nous conter le rythme des saisons, la lumière, les couleurs, la magie de territoires souvent hostiles. Une Nature omnipotente aussi, qui réduit l'Homme à un survivant. Lui qui s'est acharné à la détruire.
Dans ses fables écologistes et humanistes, Sandrine Collette, avec des mots justes, un style et un rythme narratif adaptés à chaque roman, nous questionne, sans pathos ni grandiloquence, sur notre monde contemporain, sa violence, nos peurs, sur la nature humaine aussi.
Car, s'il s'agit bien de romans noirs, sombres, la capacité de résilience des individus survivants donne, à chaque fois une note d'espoir.
Son dernier roman "Et toujours les Forêts", écrit avant l'épidémie de Covid19, paru peu avant le confinement résonne avec l'actualité, la période tourmentée que nous vivons, nous donne à réfléchir, y aborde des sujets comme le réchauffement climatique, la pollution, la disparition d'espèces vivantes...et nous offre "une piste de réflexion et une leçon de philosophie sur le monde d'après"
Sa narration froide et scandée, sa prose sombre et poétique nous plonge dans un monde post-apocalyptique où, Corentin doit apprendre à survivre.
L'ayant plusieurs fois rencontrée, je me demande encore en la voyant si douce, timide, souriante, toute en blondeur, comment elle peut nous emmener dans les tréfonds de l'âme humaine et dans cette noirceur...
Lisez Sandrine Collette et vous n'en sortirez pas indemnes ! Et c'est bien là le rôle de la littérature : nous chambouler au plus profond de nous -mêmes !
Valérie