Avez-vous, au détour d’un bac à bandes dessinées, dans le bibliobus ou dans une librairie, croisé le regard animal d’un des personnages de cet auteur norvégien ?
Si son talent n’a pas encore vraiment été reconnu en France, il a su convaincre les spécialistes outre-Atlantique puisqu’il a obtenu trois Eisner Awards à la célèbre Comic con de San Diego en 2007, 2008 et 2009.
Les premières œuvres de Jason, de son vrai nom John Arne Sæterøy, toutes en noir et blanc, sont publiées en France par l’éditeur suisse Atrabile, à commencer par l’excellent Attends… en 2000 (qui lui valut le prix Harvey du meilleur jeune talent) ; il faut attendre 2004 (en France) et l’édition chez Carabas de planches en couleur pour comprendre l’influence de la ligne claire d’Hergé sur son travail.
Cet auteur complet assure dans l’immense majorité des cas scénario et dessin (puisque, s’il met son dessin au service du scénariste Vehlman pour l’Île aux cent mille morts et adapte le Char de fer de Stein Riverton, tous ses autres travaux sont réalisés par lui seul). Sa maîtrise de l’ellipse est stupéfiante ; il utilise des personnages anthropomorphes à têtes d’animaux, ce qui lui permet de nous offrir un regard lucide (désabusé ?) sur notre monde et les relations entre les êtres humains.
On rencontre parfois des personnages célèbres au fil des pages des livres de Jason (Hemingway, Hitler, Frida Kahlo, etc.) mais ce ne sont le plus souvent que des super figurants au service du propos et/ou de la narration de l’auteur. Jason aime aussi jouer à détourner les codes de genres qu’il affectionne : le western, les films de morts-vivants, mais là encore ce n’est que pour mettre en évidence les méandres de l’âme humaine.
A partir de Low moon, il exploite le format de la nouvelle, le titre « Rien » dans le recueil le Perroquet de Frida Kahlo est un summum de subtilité pour évoquer la maladie d’Alzheimer.
J’ai tué Adolf Hitler est, même si le titre ne l’indique pas clairement, une magnifique histoire d’amour sur fond de voyage temporel.
Son dernier ouvrage, dans lequel il développe ses réflexions de marcheur sur les routes de Compostelle, a été édité l’an passé chez Delcourt.
Sous le chaud soleil du mois d’août, n’hésitez pas à goûter et savourer cet auteur venu du froid.
Frédéric