Installer une grainothèque, c'est simple ! L'animer ensuite est tout aussi simple !
Grâce à l'association Graine de Troc, qui a fêté ses 5 ans en 2017, votre projet d'installer une banque de semences reproductibles en libre-service est facilité. Basée à Lagord, des intervenants accompagnent les structures comme les bibliothèques au développement de cette action participative et "éco-responsable" favorisant le lien social.
Semez vos envies
Dès 2015, à St Jean d'Angély, Julia et Brigitte, deux bibliothécaires qui jardinent beaucoup, s'intéressent sérieusement au troc de graines. La médiatisation de l'association Graine de troc motive les troupes, le lancement de la grainothèque de Marennes d'Oléron permet de se renseigner sur la marche à suivre, l'accord du Directeur des Affaires Culturelles de la ville en poche, le projet voit le jour. La référente qui défendra la biodiversité cultivée est désignée, ce sera Julia (en photo ci-contre).
Faites germer votre projet
Une grainothèque réussie contient des ingrédients simples mais indispensables : des casiers, des sachets, une p'tite tête et un peu de papier aussi pour l'organisation et la communication. Le supplément n'émergera que des esprits créatifs qui voudront s'exprimer et il y en aura c'est sûr !
En ce qui concerne le matériel, des petites boites sont utiles pour entreposer chaque catégorie de graines, sans oublier la signalétique car votre projet peut débuter avec des graines de légumes mais il peut s'étendre aux fruits, fleurs, arbustes, à vous de décider les limites.
A Montguyon, sur une belle étagère bien en vue, Nathalie a récemment installé trois plantes et quelques livres qui entourent une caisse à vin en bois partitionnée avec du lambris contenant des sachets de graines de fleurs et plantes aromatiques offertes par un lecteur.
A St Jean d'Angély, le mobilier et accessoires de la grainothèque, qui ne compte que des fleurs et légumes pour l'instant, sont faits maison. Le service technique communal a réalisé des petits tiroirs qu'il a intégré dans de vieilles caisses en bois de la marque Persil. Pour la p'tite histoire ces caisses servaient à entreposer les revues d'une ancienne auteure-éditrice locale appelée « Noël Santon » qui par la suite est devenue bibliothécaire ; elle semait ses graines devant l'établissement. Bel hommage !
Les sachets destinés aux graines se réalisent simplement mais joliment avec les pages des livres pilonnés. Parce qu'en effet un stock de sachets vides à disposition du public facilite le dépôt de dons.
Récoltez savoir-faire, lien social et remerciements
La vie organisée de tout ce beau matériel s'établit grâce à un tableau de suivi. Le donneur indique la date du jour, son prénom, la date de récolte, la provenance, la variété des graines et d'éventuels conseils pour un partage des savoir-faire.
L'accès à tous librement et gratuitement du contenu d'une grainothèque rencontre un vif succès. En Charente maritime, les graines de rose trémière se sont envolées, pas étonnant lorsque l'on sait que le sachet se vend à 5 € sur l'île de Ré !
Même s'il faut fournir une grosse quantité de graines au départ, le temps que les récoltes d'amateurs se fassent, le lien social que crée la grainothèque est bien réel. Les discussions, programmées ou non, s'engagent aisément autour des sachets ; les échanges par l'intermédiaire d'un cahier laissé à proximité des casiers abondent. En effet, sur ces pages se retrouvent des messages de sympathie, des remerciements aux bibliothécaires, des références, des photocopies d'articles engagés, mais surtout des retours d'expériences suivis de conseils de jardiniers solidaires.
Sujet épineux
Attention, il est indispensable d'informer l'utilisateur au sujet des graines hybrides F1. Issues du croisement de deux variétés différentes d'une même espèce, ces graines ne repoussent pas avec les mêmes caractéristiques que la plante mère. Cette mention F1 sur les sachets du commerce doit être expliquée aux publics sous forme d'affichage, de rencontre ou d'atelier. D'après Sébastien Wittevert, créateur de Graine de Troc, les semences hybrides F1, créées par l'industrie semencière, sont l'une des causes de l'effondrement de la biodiversité donc inacceptables.
Le meilleur conseil à donner est de récolter les graines sur les plus beaux spécimens locaux qui produiront des légumes mieux adaptés au sol et au climat de notre région. Cet échange de semences s'apparente à un geste citoyen de résistance contre l'homogénéité imposée par les grands semenciers pour protéger nos bonnes vieilles variétés.
L'une des actions de Graine de Troc vise justement à découvrir des semences locales. En mars 2017, des graines provenant de la tomate de St Jean d'Angély ont été offertes par l'association à la commune concernée. La variété a intégré fièrement la marque de territoire L'Esprit angély et, sans attendre, la création d'une filière a été annoncée.
Un lancement fleuri
Les liens sont faciles à réaliser et les occasions d'inaugurer sa grainothèque innombrables : une foire aux plantes, l'acquisition de documents sur le jardinage, un documentaire nature qui passe dans le cinéma voisin, un événement local ou national comme la Semaine du développement durable...
A la médiathèque de St Jean d'Angély, on choisit de programmer deux animations par an en lien avec la grainothèque, au printemps et en automne. La première a été l'inauguration le 30 avril 2016, juste avant la 21e édition de Floralia, salon de l'art floral qui se déroule à l'Abbaye royale. En soirée, Alice Leparc est venue présenter son association Graine de Troc ainsi que la nouvelle installation, et a lancé le service en donnant un kit qui contenait plusieurs variétés de graines anciennes reproductibles, du matériel de communication et la liste des variétés locales (compter 150€ pour une intervention et le kit ; 25€ le kit seul. Pour les collectivités, il est possible de régler par mandat administratif en passant la commande en ligne). http://shop.grainesdetroc.fr/
La bibliothèque de Montguyon a profité de la fête des mères pour faire connaître aux publics son stock de graines d'œillets d'Inde notamment. Les élèves n'ont pas raté cette bonne idée cadeau qu'ils ont semée dans un pot préalablement décoré en classe. Depuis ce lancement les collégiens viennent se servir régulièrement pour agrémenter leur potager entretenu en interclasse.
Arrosez d'animations
Pour que nos lieux de lecture deviennent des terres de liens et de partage, le bibliothécaire doit cultiver la solidarité et l'éco-responsabilité. A travers la grainothèque, des partenariats se créent facilement, il peut faire appel aux écoles, jardin partagé, associations diverses, collectivités, service espace vert de la commune, jardinier passionné ou encore métiers permettant la transmission de savoir-faire utiles ou décoratifs pour le jardin.
La bibliothèque de St Jean d'Angély a déjà invité Guillaume Clément, le maraîcher biologique local, à partager son expérience, Benoît, le jardinier de la commune, à transmettre sa passion pour les plantes sauvages et comestibles, et le restaurant végétarien du coin pour la confection d'un apéro-graines. Chaque séance rassemble pas moins de 65 personnes.
Tous les ans, la Grainofête, mouvement national printanier, est l'occasion d'engager les partenaires dans de multiples actions intergénérationnelles. Lors de cette manifestation, peuvent être mis en place des ateliers d'extraction de graines, de semis, des conférences, débats, des repas, un troc de graines etc. Sans oublier de faire du lien avec les collections de la bibliothèque, projeter des films, lire des albums nature, sortir des rayons expos, fictions et documentaires « verts » mais surtout programmer l'atelier utile à la grainothèque, la confection de sachets en origami !
Butinez chez les voisins
En Charente maritime, quelques grainothèques ont déjà poussé comme à Lagord, Mornac sur Seudre, Rochefort, Montguyon (cf photo ci-contre), Tonnay Charente, St Jean d'Angély, Villeneuve les Salines, Forges, Saint Georges de Didonne, Marennes, M. Crépeau à La Rochelle.
Les bibliothécaires de St Jean d'Angély et de St Georges de Didonne ont participé à la rencontre des grainothécaires de France organisée par Graine de Troc à Lagord début 2016. Une quarantaine de personnes ont pu présenter leur projet. Situées au sein de bibliothèques ou jardins partagés notamment en Alsace, Bretagne, Ile de France, certaines grainothèques font preuve d'un professionnalisme épatant sans parler de l'esthétisme ! Les évolutions donnent lieu à des installations magnifiques grâce à la créativité des intervenants. Cette journée a permis de faire connaissance, d'émettre le besoin de formation, d'échanger autour des utilisateurs de la grainothèque, leurs défauts et qualités, d'évoquer les problèmes rencontrés mais aussi tous les côtés positifs de ce nouveau service.
La prochaine rencontre des grainothécaires de France se déroulera courant février-mars 2018.
Comme le dit si bien Marie-Monique Robin, réalisatrice notamment du Monde selon Monsanto, « arrêtons de nous plaindre, de relater tout ce qui va mal, agissons chacun à sa mesure ». Alors n'hésitez plus à intégrer le réseau des grainothèques et rejoindre Kokopelli, Germinance, Biau Germe, Graines del Païs, Intelligence verte et Graines de vie qui militent pour la préservation des légumes rares ou anciens.
À la médiathèque départementale ! :
