Et pourtant, mes nouveaux coups de cœur sont des recueils de nouvelles et une novella !
Tout d'abord, afin de préciser de quoi l'on cause, une petite définition de la nouvelle, genre littéraire à lui seul : c'est une œuvre de fiction courte, plus courte donc qu'un roman qui se caractérise par une intrigue simple, des personnages peu nombreux. Il y a aussi moins d'actions, dans peu de lieux.
En France, c'est au XIXème siècle, sur les traces d'Edgar Allan Poe, que le genre a pris son essor grâce à des auteurs tels que Maupassant, Flaubert, Balzac, Stendhal....
Au XXème siècle, Nathalie Sarraute, Annie Saumont; Dominique Maynard, Hubert Haddad sont de bons représentants de ce courant littéraire.
Les nouvelles peuvent être policières, fantastiques, réalistes, de science-fiction...
La Novella, quant à elle, est un roman court, entre la nouvelle et le roman donc, mais dont les personnages sont plus fouillés et l'intrigue plus développée que dans une nouvelle.
Ce qui est intéressant dans les nouvelles et novellas, c'est qu'elles privilégient l'étude psychologique des personnages.
Premier coup de cœur : Etre un homme de Nicole Krauss.
C'est la dernière parution de Nicole Krauss, formidable autrice américaine, sans aucun doute une des plus grands écrivains américains contemporains, qui ne cache pas son attachement à Philip Roth.
Après avoir aimé ses romans, " la Forêt obscure " et "Histoire de l'amour" pour lequel elle a reçu en 2006 le Prix de meilleur roman étranger, j'ai été tout de suite séduite, dès la première nouvelle, par ce recueil de textes écrits entre 2002 et 2020 pour un journal. Le thème central est la judéité (avec ses rites, son art de vivre, la charge mentale aussi que cela implique, le poids des traditions liés à cette religion, avec toujours, en toile de fond, l'Holocauste). Même si l'on est loin de cette religion, les hommes et les femmes de ces nouvelles, de New-York à Tel Aviv en passant par le Japon ou la Suisse, s’interrogent et nous interrogent, sur ce le sens profond de nos existences, sur l'amitié, l'amour, la famille, la religion...le tout avec une langue très poétique: fort et intelligent à la fois !
Cela m'a fait penser à la Canadienne Alice Munro, dont les nouvelles sont d'autant de magnifiques portraits, souvent de femmes cabossées par la vie, dont un narrateur extérieur (un peu à la "Desperate Housewives") nous narre le quotidien et les névroses. Le Prix Nobel lui a été décerné en 2013, pour ces écrits centrés sur les "petites gens, grands sentiments" .
Second coup de cœur décerné à Canoës un "roman en pièces détachées" comme le dit son auteur Maylis de Kerangal : " En mars 2020, alors que je commençais à écrire sur la voix humaine, les bouches ont brusquement disparu sous les masques et les voix se sont trouvées filtrées, parasitées, voilées : leurs vibrations se sont modifiées et un ensemble de récits a pris forme".
C'est donc de la voix humaine dont il est question dans ces nouvelles, de sa puissance, des tessitures, des accents, de ce qu'elle dit de nous ...Dans une langue très travaillée mais facile à lire, évidente dès la première nouvelle, l'autrice s'interroge notamment sur ce qu'était la voix à la préhistoire, de ce qui reste de la voix de nos disparus...La construction de ce recueil est à souligner : une longue nouvelle centrale ( Mustangs) et autour d'elle, comme des satellites, les autres nouvelles gravitent, avec un jeu récurrent avec l'apparition de petits canoës.. Exercice de style à lire absolument !
Une novella pour finir : celle qu'Emma Cline consacre à un certain Harvey ... Emma Cline, jeune autrice américaine d'une trentaine d'années est sans doute fascinée par les "Monstres"' : on l'avait découverte en 2016, dans la peau de Charles Manson dans le foisonnant roman "Girls", on la retrouve ici en Harvey Weinstein lors du dernier jour de sa "vie d'avant", d'avant son procès retentissant qui va faire prendre conscience au monde entier du harcèlement dans le milieu, notamment, du cinéma. Elle y décrit un gros type affreux, ridicule, seul dans son immense villa, persuadé que son procès va le disculper, faisant des projets de films, dans le déni total de ses actes.
Une fois encore intéressée par le thème de la soumission et de l'emprise, Emma Cline nous offre, sans jamais juger, ce court récit impitoyable.
Intéressez-vous aussi au dernier ouvrage de Lydie Salvayre, 38 pages explosives, simplement intitulé "Famille". Une famille dysfonctionnelle : un père à bout, une mère sur-protectrice d'un fils trentenaire schizophrène. Dès les premières phrases, c'est la "chronique d'une mort annoncée" , on retrouve là l'ancienne Lydie Salvayre, psychiatre au début de sa vie professionnelle.
Dans la veine du fameux "Je mourrai pas gibier" que Guillaume Guéraud a écrit dans les années 2000, un uppercut qui nous laisse sans voix ! ( prochainement dans les collections de la médiathèque départementale)