Les prix littéraires jeunesse
Et le lauréat 2017 du Prix Astrid-Lindgren est …Wolf Erlbruch ! Le Prix Astrid-Lindgren ? Mais qu’est-ce donc ? Rien de moins que l’un des prix littéraires jeunesse les plus prestigieux, et le second prix mondial en termes de dotation, après le prix Nobel de littérature : plus de 550 000 € tout de même ! Et pourtant, contrairement au Nobel, il est loin d’avoir fait les gros titres le mardi 4 avril… Ni même les petits d’ailleurs !
C’est un fait, alors que les prix littéraires adultes les plus importants jouissent d’une forte médiatisation et de bonnes ventes, il n’en est pas du tout de même pour ceux de la littérature jeunesse, bien souvent connus des seuls professionnels.
Mais alors, à quoi servent les prix littéraires jeunesse ?
Bien sûr, comme tout prix, ils servent d’abord à valoriser et à faire connaître un travail, celui de l’auteur et celui de l’éditeur. On peut aussi penser qu’ils oeuvrent plus largement à la reconnaissance d’un secteur éditorial encore en mal de légitimité : que l’on se rappelle cette fameuse chronique de François Busnel où il réduisait la littérature jeunesse à son aspect marketing. Primer des livres pour enfants, ce serait ainsi dire qu’il existe bien une littérature jeunesse avec des œuvres (et pas seulement des produits !) qui peuvent être jugées et appréciées d’un point de vue esthétique comme dans n’importe quelle autre littérature.
L’un des objectifs des prix est aussi de valoriser la structure qui les décerne ou même de lui permettre de mener à bien ses missions. Si les prix jeunesse ont un point commun avec les prix adultes, c’est sûrement leur prolifération et la diversité des instances qui les attribuent : institutions, collectivités locales, associations professionnelles, Salons et fêtes du livre, médias, établissements scolaires, etc...
Par ailleurs, les objectifs ne seront pas les mêmes dans le cas d’un jury professionnel et dans celui d’un jury de lecteurs.
Concernant les prix de professionnels, tandis qu’en adulte les jurys sont le plus souvent composés d’écrivains ou de journalistes, en jeunesse les professionnels représentés sont davantage des acteurs de la promotion de la lecture, notamment des libraires ou des bibliothécaires. Ces jurys témoignent de la volonté de faire dialoguer des professions aux positionnements différents et de l’importance des enjeux de médiation en jeunesse. Ils cherchent également le plus souvent à valoriser la diversité éditoriale et l’audace créative.
En France, les prix les plus prestigieux sont sans conteste les Prix Sorcières et les Pépites du Salon de Montreuil.
Les Prix Sorcières, créés en 1986 et décernés par l’Association des Librairies Spécialisées Jeunesse (ALSJ) et l’Association des Bibliothécaires de France (ABF) affirment particulièrement leur ancrage de terrain puisque leur choix porte sur « une sélection d’ouvrages pour la jeunesse ayant le plus marqué les professionnels dans leur pratique quotidienne ». Ils couronnent chaque année six titres.
Quelques lauréats du Prix Sorcières
{enclosure_opac notice|355005898|couv|1|0|0|0|1|none|&type_extraits=amazon} | {enclosure_opac notice|355013750|couv|1|0|0|0|1|none|&type_extraits=amazon} | {enclosure_opac notice|354619616|couv|1|0|0|0|1|none|&type_extraits=amazon} | {enclosure_opac notice|354874913|couv|1|0|0|0|1|none|&type_extraits=amazon} |
Les Pépites ont été créées en 2011 mais leur fonctionnement a été modifié en 2016. Le palmarès est désormais « trans-genres » avec une catégorisation uniquement par tranches d’âge et l’objectif « d’être plus largement repérés par les parents et les enfants ». Les jurés ont également changé : plusieurs Pépites sont désormais attribuées par un jury de jeunes lecteurs dans un partenariat avec France télévisions, tandis que bibliothécaires et libraires ont quitté le jury professionnel, désormais composé d’une majorité de journalistes.
Le prix à payer pour être médiatisé ? C’est en tout cas clairement l’objectif visé.
Quelques lauréats des Pépites du Salon de Montreuil
{enclosure_opac notice|355725946|couv|1|0|0|0|1|none|&type_extraits=amazon} | {enclosure_opac notice|355725880|couv|1|0|0|0|1|none|&type_extraits=amazon} | {enclosure_opac notice|355082335|couv|1|0|0|0|1|none|&type_extraits=amazon} | {enclosure_opac notice|354966358|couv|1|0|0|0|1|none|&type_extraits=amazon} |
Parmi les prix décernés en France, avec cette fois un jury de personnalités, on peut aussi citer le prix Gulli. Il est à noter que pour une fois, celui-ci jouit d’une réelle popularité auprès du public cible grâce au média efficace qu’est la télévision (souvenir d’une jeune lectrice venue le réclamer en bibliothèque, comme un lecteur adulte réclame le Goncourt).
En Belgique, la section belge francophone d’IBBY et le Centre de littérature de Bruxelles ont créé le Prix Libbylit en 2005. Le jury est composé de bibliothécaires, de libraires, d’animateurs et d’enseignants et récompense à la fois des oeuvres belges et des oeuvres de l'édition francophone.
Aux Etats-Unis comme en Grande-Bretagne, les prix les plus prestigieux sont des prix de bibliothécaires, illustrant ainsi la place importante occupée par les bibliothèques dans les pays anglo-saxons.
L’Association for Library Service to Children, division de The American Library Association, décerne chaque année deux prix : la Médaille John Newbery, créée en 1922, est le plus vieux prix littéraire jeunesse au monde et récompense l’auteur du meilleur livre pour enfants de l’année, tandis que la Médaille Caldecott, créée en 1938, récompense un illustrateur.
De nombreux albums lauréats de cette distinction n’ayant jamais été édités en France, les éditions du Genévrier ont eu la très bonne idée de leur dédier une collection.
Quelques titres de la collection Caldecott
{enclosure_opac notice|353578248|couv|1|0|0|0|1|none|&type_extraits=amazon} | {enclosure_opac notice|353543535|couv|1|0|0|0|1|none|&type_extraits=amazon} | {enclosure_opac notice|353736561|couv|1|0|0|0|1|none|&type_extraits=amazon} | {enclosure_opac notice|354059740|couv|1|0|0|0|1|none|&type_extraits=amazon} |
En Grande-Bretagne, le Chartered Institute of Library and Information Professionals (CILIP) décerne également deux prix : la Médaille Carnegie, qui récompense un auteur depuis 1937 et la Médaille Kate Greenaway, qui récompense un illustrateur depuis 1955.
Il existe également plusieurs prix internationaux.
Les Bologna Ragazzi, décernés lors de la Foire Internationale du Livre de Jeunesse de Bologne, ont pour objectif de récompenser l'excellence de l'ensemble du projet éditorial. Ils ont un rôle incontestable de repérage de nouveaux talents par le biais notamment du Prix de la première œuvre et du Prix Nouveaux horizons, qui récompense l’œuvre d’un pays émergent.
Deux prix commémorent l’ensemble d’une œuvre, se partageant ainsi le titre officieux de « Nobel de la littérature jeunesse » : le Prix Astrid Lindgren, déjà cité, et le Prix Hans Christian Andersen.
Attribué tous les deux ans, ce dernier comporte une catégorie auteur depuis 1956 et une catégorie illustrateur depuis 1966. Il a été créé par l’IBBY pour récompenser « une contribution durable à la littérature jeunesse ». La liste des lauréats est prestigieuse : Astrid Lindgren (en 1958), Maurice Sendak, Tomi Ungerer, Kveta Pacovská, Quentin Blake, Anthony Browne, ou plus récemment Rotraut Susanne Berner.
Le prix commémoratif Astrid-Lindgren a été créé en 2002, après la disparition de l’auteur de Fifi Brindacier. Il récompense un auteur ou un illustrateur dont le travail reflète son esprit, ou l’action de personnes ou d'organismes en faveur du livre de jeunesse.
Les prix avec jury de lecteurs ne sont pas spécifiques à la littérature jeunesse, néanmoins ils y sont très nombreux et surtout ils ont des objectifs particuliers : ce qui importe ce n’est pas tant le palmarès en lui-même que l’impact que le prix va avoir sur ses jeunes jurés.
L’objectif le plus revendiqué est sans nul doute de donner le goût de la lecture, avec la volonté notamment de favoriser une lecture plaisir, libre de tout contexte d’apprentissage.
L’un des autres objectifs souvent mis en avant est celui de l’éducation citoyenne. Voter est une invitation pour chaque enfant à réfléchir par lui-même mais aussi un engagement à respecter un avis différent du sien. Le livre devient ainsi support d’échanges, faisant de la lecture un acte de socialisation et non plus seulement une pratique solitaire.
Que ce soit pour l’un ou l’autre de ces objectifs, le choix des livres et la médiation mise en place sont essentiels.
La sélection doit proposer des ouvrages de grande qualité littéraire bien sûr mais aussi adaptés au lectorat, avec l’idée que les lectures exigeantes n’ont de sens que si elles sont accompagnées. Les animations proposées autour du prix peuvent aussi être un outil précieux pour le faire vivre : rencontre d’auteurs, créations diverses (dessins, écrits, vidéos, etc.), débats, correspondances inter-classes, etc.
Plus que tout, les organisateurs devront être attentifs à ce que les jeunes jurés vivent cette aventure comme une expérience enrichissante et non comme un marathon stressant.
Le plus célèbre de ces prix est sans aucun doute le Prix des Incorruptibles.Créé en 1988, il est organisé par une association titulaire d'un agrément de l’Éducation Nationale en tant qu'association éducative complémentaire de l'enseignement public, également reconnue « association ressource » dans le cadre du plan de lutte et de prévention contre l’illettrisme. Remportant un grand succès, il est décerné chaque année par plus de 400 000 lecteurs, de la maternelle au lycée.
Il existe en Belgique francophone un prix très similaire, le Prix Bernard Versele, créé en 1979.
Très populaire aussi, le Prix Chronos a la particularité d’être axé sur une thématique précise : créé en 1996 par la Fondation Nationale de Gérontologie, il a pour ambition de sensibliser les jeunes à la découverte du parcours de vie, de la naissance à la mort, ainsi qu’à favoriser les relations entre les générations.
L’UNICEF France a également créé le Prix UNICEF en 2016, avec pour objectif de récompenser les ouvrages portant le mieux les valeurs des droits de l’enfant défendues par l’organisation. Un thème différent est proposé chaque année : la protection de l’enfance en 2016, l’égalité en 2017.
On peut également citer le Prix des Mordus du polar, qui met cette fois un genre à l’honneur. Créé en 2004 à l’initiative de la BILIPO et du CRILJ, il est organisé dans le réseau des bibliothèques jeunesse de la ville de Paris.
Très impliqué dans la lecture auprès des tout-petits, le réseau des bibliothèques de la ville de Nanterre a même créé un Prix des bébés lecteurs. Les livres sélectionnés par les bibliothécaires et des professionnels de la petite enfance sont présentés dans les crèches et dans les médiathèques et c’est l'observation des réactions des enfants face aux livres qui permet de déterminer leurs préférences. Le succès de ce prix atypique est la preuve que les prix littéraires jeunesse peuvent être des outils efficaces de promotion de la lecture et de la littérature jeunesse auprès des publics concernés : enfants, professionnels et parents.
Pour aller plus loin :
La Joie par les livres - Principaux prix de littérature jeunesse
Ricochet - Les prix en littérature jeunesse
Livralire - A propos des prix littéraires jeuness
Lecture jeune - Les prix littéraires décernés par des adolescents
{enclosure_opac selection|1323200007|&mod_aff=0&chk_aff_aper=on&chk_lnk_aper=on&chk_aff_tit=on&chk_lnk_tit=on&chk_aff_aut=on&chk_lnk_aut=on&chk_aff_edi=on&chk_lnk_edi=on|0} |