Concernant cette période finalement assez récente de l’histoire européenne et mondiale, il est frappant de voir comment l’opinion actuelle juge et considère ces évènements, souvent à mille lieux pour l’essentiel, de la perception qu’en avaient les contemporains. Les filtres idéologiques actuels tendent en effet à nous rendre presque incompréhensibles certaines époques passées au regard des mentalités contemporaines.
L’esprit humain, en se penchant sur son passé proche ou lointain, projette en effet bien souvent les perceptions dictées par son époque ce qui empêche la compréhension d’événements historiques motivés par d’autres raisons parfois disparues.
En cela les travaux des historiens s’avèrent précieux qui effectuent le lien entre les mentalités successives.
Des idées scandaleuses, la guerre, le profit, le patriotisme
Que la guerre puisse exister est déjà un scandale en soi au regard de nos sociétés apaisées.
Qu’elle soit parfois un mal nécessaire et pourvu qu’elle dure un minimum de temps avec un minimum de pertes humaines – en général dans le camp qui nous est sympathique – passe encore.
Mais qu’une guerre puisse durer plus de quatre années, qu’elle puisse provoquer des millions de morts et de blessés pour des gains de territoire très réduits, voilà qui est proprement scandaleux pour un esprit contemporain.
Que cela se soit de plus produit au sein de pays civilisés, voilà qui ajoute de l’absurde.
De nos jours, devant l’absence immédiate de sens d’un tel carnage, l’opinion commune peine à trouver du sens.
Des tentatives de compréhension
- Une des explications souvent avancée est connue : cette guerre aurait eu lieu du fait de l’avidité d’une classe possédante dont l’appétit de profits serait la principale cause de ce carnage. On voit ressurgir l’oreille du "complotisme", théorie toujours en vogue à travers les âges et qui attribue à des puissances occultes et aux pouvoirs immenses les responsabilités d’évènements mondiaux. Celles-ci agiraient ainsi au nom de leurs intérêts, buts cachés au commun des mortels dont celui-ci ferait les frais. Or, si la réalité des coûts des frais de guerre enrichissait certains fournisseurs (États ou particuliers), le déclenchement de la guerre elle-même n’était pas de leur fait.
- Une autre piste évoque le pacifisme foncier et le refus de la guerre qui aurait été inné chez les soldats mais l’impossibilité pour ces derniers d’échapper au carnage en raison de la surveillance militaire et policière. Là encore, comment 6.000 gendarmes du service prévôtal auraient pu empêcher la désertion massive des millions de poilus mobilisés. En Russie et dans la même période, l’ordre militaire n’a pas résisté à la vague des désertions révolutionnaires. On voit ici que la notion de patriotisme ne peut plus être acceptée comme une réalité de l’époque.
- En dernier recours, quand on sent que ces arguments ne tiennent pas, il reste l’absurde qui enlève tout sens et toute explication à tout acte individuel ou tout évènement collectif mais qui a le mérite de fournir un semblant d’explication. C’est un argument commode et qui paradoxalement deviendra après-guerre un sentiment réel qui nourrira des courants artistiques comme le dadaïsme.
Des concepts oubliés
De fait, pour tenter de comprendre cette période, il faut faire appel à des notions aujourd’hui disparues et qui ne parlent plus à la plupart de nos contemporains.
- Le Patriotisme et la notion de sacrifice lié au sentiment d’une guerre juste et à la défense du pays attaqué (c’est l’Autriche, la Serbie et l’Allemagne qui déclenchent les hostilités)
- La volonté de se battre contre des puissances ennemies réactionnaires en ayant le sentiment de défendre la République face à des monarchies rétrogrades (Valmy n’est pas loin)
- Mais aussi le poids d’un engagement social généralisé lié à ces causes (comment ne pas y aller alors que tout le monde y va).
Pour aller plus loin dans la compréhension de cet événement majeur, voici une liste d’historiens contemporains à lire avec profit : Stéphane Audouin-Rouzeau, Jean-Yves Le Naour, Max Gallo.
{enclosure_opac selection|1322100000|&mod_aff=0&chk_aff_aper=on&chk_lnk_aper=on&chk_aff_tit=on&chk_lnk_tit=on&chk_aff_aut=on&chk_lnk_aut=on&chk_aff_edi=on&chk_lnk_edi=on|1} |