Dans la production contemporaine d’albums, il est une tendance particulièrement forte qui est celle de l’album livre-objet, dans lequel la manipulation et l’interactivité sont privilégiées.
Cette volonté de proposer au jeune public des livres "magiques", capables de susciter l’émerveillement n’est pas vraiment nouvelle : les premiers livres à systèmes pour enfants apparaissent à la fin du 18ème siècle avec les arlequinades (livres à languettes) de Robert Sayer, puis connaîtront deux véritables âges d’or, avec les livres animés de la fin du 19ème siècle et les pop-ups des années 60-70.
Ainsi, dès les débuts de l’album, le caractère particulier du lectorat enfantin a imposé un travail sur le support et l’album livre-objet s’inscrit clairement dans cette tradition. Néanmoins, d’autres raisons expliquent cette tendance.
Tout d’abord, il est incontestable que les avancées techniques et la réduction des coûts de production ont permis le développement de la production de ce type d’ouvrage. Mais surtout l’arrivée du livre numérique, de par son caractère immatériel et ses possibilités interactives, pousse clairement le livre traditionnel d’une part à réaffirmer sa matérialité, et d’autre part à explorer sa propre interactivité. 

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Les possibilités de jouer sur le support sont très nombreuses. Certains jouent avec le volume, en cherchant à rompre le caractère bidimensionnel de l’image : ce sont les fameux pop-ups, souvent véritables chefs d’œuvre d’ingénierie papier ( "La maison hantée" de Jan Pienkowski, pop-up datant de 1979 et le plus vendu à ce jour dans le monde, ou les œuvres de Robert Sabuda et David Carter).

D’autres jouent avec le mouvement : livres à tirettes ( "Ça va pas la tête" d’Elisa Géhin et Bernard Duisit ou la célèbre "Mimi" de Lucy Cousins), mais aussi ombro-cinéma ( "New York en pyjamarama" de Frédérique Bertrand et Michaël Leblond ou "Au galop" de Rufus Butler Seder).

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D’autres encore privilégient le toucher, en jouant sur les matières ( "De quelle couleur est le vent ?" d’Anne Herbauts) ou en proposant des illustrations en relief ( les imagiers gigognes de Xavier Deneux ). Tandis que d’autres enfin cherchent à rompre le découpage traditionnel de la page en créant des effets de continuité ou de simultanéité : leporellos ou livres accordéons ( "Amos et les pissenlits" d’Anne Cortey et Janik Coat), jeux de découpes et de superpositions (les albums de Katsumi Komagata ou "Va-t'en, grand monstre vert !" d’ Ed Emberley).

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A noter que bon nombre d’albums combinent plusieurs de ces techniques et que les exemples donnés sont loin d'être exhaustifs, l’imagination des créateurs étant sans limites. Bien que différents, ces livres enseignent deux choses au futur lecteur : le plaisir physique qu’il y a à manipuler un livre, l’importance du toucher, de la texture, voire du bruit, et le fait qu’ouvrir un livre est le début d’une aventure à la découverte de l’inconnu.

L’oeuvre de Bruno Munari est emblématique de cette idée : en 1980, il crée les "Prélivres", pensés comme "le mode d’emploi, la structure nue de l’objet qui s’appelle livre". Ces 12 petits livres, tous fabriqués dans des matières différentes, sont "des stimulations visuelles, tactiles, sonores, thermiques et matérielles. Ils doivent transmettre la sensation que les livres sont ainsi, remplis de surprises variées. La culture est faite de surprises, c'est-à-dire de la découverte de ce que l'on ignorait (…)" Bruno MUNARI in Cosa nasce cosa, 1981.livre-objet1
Le travail de Munari a profondément influencé nombre de créateurs contemporains, dont la jeune illustratrice Lucie Félix. Son dernier album, "Prendre et donner", est un livre-jeu qui fonctionne sur le principe du puzzle et dont l’auteur dit : "J'ai voulu mettre l'accent sur la manipulation, un bon moyen de connaissance pour les tout-petits. L'enfant est le moteur du livre. C'est lui qui par son geste, donne sens aux mots que j'ai choisis."

Feuilleter l'album sur le site de l'illustratrice

De fait, dans la plupart des livres-objets, au plaisir pur de la manipulation s’ajoute celui de l’interactivité : en permettant à l’enfant de participer activement à l’histoire, on éveille à la fois sa créativité et sa curiosité. 
C’est le cas du Prix sorcières 2015 de la catégorie Tout-petits, "Le petit curieux" d’Edouard Manceau. Le livre est percé d’un carré, qui, quand on l’ouvre, devient comme une fenêtre sur le monde. A chaque double page, l’enfant est invité à retrouver autour de lui des choses à voir, à entendre ou à toucher.

" target="_blank">" d’Hervé Tullet est un cas à part, car l’objet livre est tout à fait classique et pourtant c’est bien un livre à manipuler. En effet, le lecteur est invité à appuyer, frotter l’image, secouer le livre, etc. puis à tourner la page pour constater les effets de ses actions. En fait, il s’agit d’un livre faussement interactif qui rappelle que le pouvoir de l’imagination est tout aussi puissant que la plus fine des technologies. Cependant, si "Un livre" est bien une affirmation de la magie du livre, ce n’est pas un manifeste anti-numérique : l’auteur a ainsi créé le pendant virtuel de son album, une application intitulée "Un jeu".
Proposer les deux versions a du sens car on retrouve dans les deux le même esprit de jeu et de surprise et en même temps, chaque support a ses atouts propres : plaisir de l’objet et pouvoir de l’imagination d’un côté, attrait de la technologie et fascination de l’image animée de l’autre. C’est cette magie propre à chacun qui laisse penser qu’il est tout aussi peu pertinent d’affirmer que le numérique va remplacer le papier que de nier les possibilités offertes par ce dernier. L’un comme l’autre ont donc tout intérêt à privilégier une stimulante complémentarité et une saine émulation à une vaine concurrence.

"Les fantastiques livres volants de Morris Lessmore" de William Joyce est un très bon exemple de complémentarité possible entre papier et numérique. A l’origine court métrage d’animation, il paraît ensuite sous la forme d’une application, puis d’un album. Mais là où l’on dépasse la simple déclinaison d’une histoire sous différents supports, c’est avec une deuxième application, l’ Imag-n-o-tron, à utiliser avec le livre. Comment cela fonctionne-t-il ? On ouvre l’album à plat puis on place la tablette face à la page : l’image semble alors prendre vie, c’est le principe de la "réalité augmentée". Ainsi, chacun apporte un peu de sa magie à l’autre …

 

 Sélection disponible à la Médiathèque départementale 

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