Il nous arrive d’entendre cette phrase dans les bibliothèques et médiathèques de la Charente-Maritime et soyons-en sûrs de la France entière. En effet, s’il semble indiscutable, sauf exception, que le manga pour les jeunes est bien emprunté dans nos établissements, le manga à destination des adultes ne rencontre pas toujours le même succès.
Pourquoi y a-t-il une différence de réception auprès du public ?
Il y a quatre raisons qu’il convient de mettre en avant :
- -Tout d’abord, le manga est assez récent et les lecteurs de plus de 40 ans ne sont pas familiers avec celui-ci.
- -Ensuite, le noir et blanc systématique et le sens inverse des pages peuvent rebuter des lecteurs non avertis et même ceux passionnés de bandes dessinées traditionnelles.
- -De plus, il existe toujours, dans notre pays, un préjugé tenace qui veut que la bande dessinée soit réservée aux enfants et que le manga n’est qu’un sous-genre médiocre de la BD réservé aux adolescents, le plus souvent des garçons, et qu’on y trouve exclusivement des scènes de violence et des jeunes filles dénudées.
- -Enfin, les titres pour adolescents qui sont le sommet de l’iceberg cachent les autres titres notamment par la longueur des séries.
A partir de ce constat toujours valable en 2019, malgré les efforts de pédagogie des éditeurs et des passionnés, il convient d’apporter quelques éléments de réponse afin d’augmenter le succès des mangas pour adultes.
Tout d’abord, il faut préciser que le manga ne s’adresse pas uniquement aux enfants et adolescents mais à toutes les tranches de la population. Il existe des mangas pour les enfants, pour les adolescents (Les Shonen), les adolescentes (Les Shojo), les hommes et les femmes aux foyers et les hommes et les femmes qui travaillent (Seinen et Josei) et que ces titres sont susceptibles de traiter de tous les thèmes possibles.
Comme dans les romans et les films, on trouvera des mangas avec des scènes de violence et de sexe. Mais il existe aussi des titres parlant de l’œnologie (Les Gouttes de Dieu), des bains dans la Rome antique (Thermae Romae), les souvenirs d’enfance d’un garçon élevé par sa grand-mère dans la campagne nippone des années 60 (Une sacrée mamie) ou encore l’impossible amour entre une bonne anglaise et un jeune homme issu de la grande bourgeoisie dans l’Angleterre de la fin du XIXème siècle (Emma) etc.
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Tout support appelle une médiation, les préjugés doivent être surmontés sans pour autant imposer aux lecteurs une vision élitiste de la culture. Ainsi, les mangas pour adultes nécessitent d’être mis en avant, supposent un accompagnement pour pouvoir être empruntés. Jirô Taniguchi, un auteur de manga bien connu, nous offre une œuvre très utile en bibliothèque parce qu’elle constitue une excellente introduction à ce type de support. Les titres de cet auteur (Quartier Lointain, Le Journal de mon père, le Sommet des dieux, l’Orme du Caucase etc.) sont publiés dans le sens de lecture occidental, en grand format et avec des thématiques très sensibles sur la nostalgie, la montagne, les animaux.
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Les lecteurs passionnés pourront ensuite poursuivre avec des titres comme "Je ne suis pas mort" ou encore "Enfant Soldat" ou enfin "Bride stories", "Ad astra" "Cesare" "Nobles paysans" etc.
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De plus, les titres pour adultes peuvent être des One shot (en un seul volume) ou des séries assez courtes en 3, 4 volumes et le sens de lecture n’est pas un obstacle insurmontable.
Difficile les vingt premières pages, la lecture à l’envers devient très vite automatique même chez des personnes âgées. Certains lecteurs de mangas ont plus de 75 ans.
Enfin, il faut aussi reconsidérer le succès rencontré par chaque titre dans son établissement. On est légitimement en droit d’attendre que le dernier roman d’un auteur à succès connaisse un nombre important de prêts et la même attente peut concerner le dernier One Pièce de Eichiro Oda. En revanche, il est illusoire d’escompter le même engouement pour un manga contestataire des années 60 comme Ashita No joe. Si un tel titre est lu par trois lecteurs au cours de toute une année, eu égard au thème et à l’époque concernée, cela peut être considéré comme une réussite même si le nombre de lecteurs peut sembler faible.
Cette réflexion est indispensable si l’on ne souhaite pas orienter les collections en fonction de leur rentabilité et ainsi négliger des segments entiers de lecteurs minoritaires qui ont aussi le droit de retrouver les titres qu’ils cherchent dans nos rayonnages. Sauf à vouloir retirer tous les titres qui sortent peu, aucun bibliothécaire ne songerait à se priver d’œuvres réputées difficiles au seul motif de leur faible rotation.
Février 2015