La musique et le cinéma sont intimement liés depuis les débuts du 7ème art. Si dans les premiers temps, la musique n'était qu'illustrative, des réalisateurs et des musiciens ont très vite compris son importance à l'écran ainsi que le dialogue particulier qui existait entre l'image et la musique.
La musique de film peut être préexistante au film ou composée pour celui-ci : c'est ce que l'on appelle la bande originale du film (BO) ou score, pour les anglo-saxons.
Petite histoire rapide et lacunaire de la musique de film
À la toute fin du XIXè siècle, les premières projections d'images animées se développent grâce aux inventions de Thomas Edison (kinétographe, 1891) ou des frères Lumière (cinématographe, 1895). Ces projections ont lieu dans des salons, des cafés-concert, des fêtes foraines, des music-halls... en somme, des lieux « musicaux » : pianistes ou violonistes, jusqu'à un orchestre complet, jouent sur ces images pour souligner l'action, plonger le spectateur dans l'ambiance, et parfois, pour couvrir le son du matériel de projection !
Le cinéma naît en musique. Mais il s'agit d'une musique préexistante le plus souvent improvisée dans un premier temps. Les musiciens se constituent très vite des catalogues de références issus du répertoire classique (Dvorak, Beethoven, Debussy) ou du répertoire populaire ; catalogues dont s'emparent bientôt les grands studios. La musique est alors illustrative et les compositions originales, appelées « incidentaux », traduisent simplement les images en son.
Quelques exceptions toutefois...
En 1892 déjà, Emile Reynaud imagine des pantomimes lumineuses, premiers dessins animées de quelques minutes et pour lesquelles il demande au musicien Gaston Paulin de composer des musiques personnalisées.
Autre belle exception, en 1908, Camille Saint-Saens compose la première musique originale pour « L'assassinat du Duc de Guise », métrage de 18 minutes d'André Calmettes et Charles Le Bargy, production, Les Films d'Art.
Cette musique, saluée lors de la projection du film, fut connue par la suite sous le nom « Opus 128 pour cordes, piano et harmonium ».
Accélérons le tempo !
Le cinéma devient sonore (Dom Juan, 1926) puis parlant (Chanteur de Jazz, 1927) et dans les 2 cas, la musique est à l'honneur !
Les musiciens quittent les fosses d'orchestre devant la toile et la musique du film est à présent gravée.
Max Steiner, compositeur originaire de Vienne, passe par Broadway où il est chef d'orchestre et fait finalement carrière à Hollywood. Dans ses bagages son univers symphonique et post-romantique (Strauss, Malher, Brahms...).
Et, en 1933, avec le film « King-Kong », il met en lumière le rôle essentiel de la musique dans la narration même du film pour nourrir l'action, développer l'émotion et accompagner les personnages identifiés par des thèmes (procédé éprouvé dans les opéras de Wagner !). Steiner ne se contente pas de l'imiter dans ses « opéras sans chanteurs », d'après sa propre expression, puisqu'il nourrit ses compositions de l'influence de Strauss, de Broadway ou encore de la musique folklorique. C'est le pivot du symphonisme hollywoodien.
Anecdote : Le singe attaquant l'Empire State Building faisait rire les techniciens et cet effet comique risquait de mettre en péril tout le film... Il fallait une solution. Steiner a convoqué un orchestre symphonique au lieu d'emprunter une partition au catalogue du studio : la musique associée à l'image provoqua frissons du public !
Avançons dans le XXème siècle...
Toutes les formes musicales se retrouvent au cinéma, témoins de leur temps : jazz, rock, pop et bientôt musiques électroniques qui font de l'ombre à la musique symphonique qui devient une option... souvent écartée.
C'était sans compter sur John Williams et ses partitions mythiques des Dents de la Mer et de Star Wars qui donnent un nouveau souffle et une reconnaissance, enfin, à la musique symphonique hollywoodienne ; en Europe, il en va de même : tous les genres musicaux s'écoutent à l'écran mais le modèle symphonique persiste !
La relation entre l'image et la musique
Pour Alexandre Desplat, « la qualité d'un film va souvent de pair avec la qualité de sa musique ». Un chef-d'œuvre est pour lui une création collective. La musique qui va émerger d'un film sera unique et identifiable ; elle naît du dialogue entre le cinéaste et le compositeur. Et chacun doit connaître le domaine de l'autre. « Les grands compositeurs de film ont non seulement un sens de la dramaturgie hors du commun, mais une vraie compréhension du langage cinématographique »*.
Dans la plupart des cas, c'est une fois que le film a été tourné et en cours de montage que se pose la question de la musique. Le compositeur et le réalisateur (ou le producteur pafois) discutent : quelles scènes vont comporter de la musique ? Quelle sera sa fonction ?
Parfois, un réalisateur et un compositeur se comprennent particulièrement, l'alchimie opère et se retrouve à l'écran. Une collaboration durable s'instaure : c'est le cas pour Sergio Leone et Ennio Morricone, Jacques Demy et Michel Legrand, Hayao Myasaki et Joe Hisaishi ou encore John Williams et Steven Spielberg.
Une grande musique de film va convoquer les images du film, elle sera à jamais liées à lui, même si elle peut avoir une existence propre. Pour Alexandre Desplat, « les grandes musiques de cinéma portent en elles une identité forte. Elles sont capables d'avoir leur vie propre, d'être écoutées et aimées sans les images »*.
Une preuve ? Faites l'expérience singulière d'écouter la bande originale avant de voir un film ! Cette musique ne convoque pas d'image, et pourtant elle en évoque tant ! Il arrive même parfois que l'on apprécie davantage la musique que le film en lui-même...
*Citations extraites de : "Musique et Cinéma, le mariage du siècle ?"
Page de l'expo sur le site de la Cité de la Musique/ Philharmonie de Paris
Quelques compositeurs contemporains
John Williams
John Williams (1932-...) est le compositeur qui a remis le symphonisme hollywoodien sur le devant de la scène. Nombre des thèmes qu'il a composés, en particulier pour le cinéma de Steven Spielberg ou de George Lucas, sont entrés dans la mémoire collective. Incontournable !
John Williams à la MD17 :
Hans Zimmer
Hans Zimmer : oscarisé pour le Roi Lion, il est le compositeur de grands succès comme Gladiator, Le Dernier Samouraï, Pirates des Caraîbes ou, plus récemment, pour le cinéma de Christopher Nolan.
Il est à l'origine d'un style nommé « Remote Control » du nom de la maison de production qu'il a créée.
« Le son créé par l'Allemand Hans Zimmer connaît un succès sans précédent et s'impose peu à peu comme forme dominante, voire tyrannique. Façonné par des équipes réunies autour de Zimmer, ce son dégage l'énergie du rock moderne électronique. À la fabrique orchestrale complexe du symphonisme, Zimmer substitue une sensation de matière sonore enveloppante, dans une écriture qui évite toute complexité de développement. (...) La puissance du symphonisme classique témoignait d'une présence transcendante sur le matériau narratif ; le son Remote Control prend acte d'un monde envahi de matière sonore et veille à une intégration/ dissolution de la musique. »
extrait de « Musique et cinéma, le mariage du siècle ».
Moins complexe, certes, différente, sans doute. Suscite-t-elle moins d'émotions pour autant ? A vous de juger !
Hans Zimmer à la MD17 :
James Newton Howard
James Newton Howard, moins connu que les deux précédents et pourtant, il a fêté ses 30 ans de carrière à Hollywood en 2017 ! Pour l'occasion, il a réalisé une tournée où il dirigeait un orchestre symphonique ainsi que des chœurs. Un merveilleux concert où l'on pouvait découvrir la richesse, la subtilité et la générosité de ses compositions. Un artiste à découvrir de toute urgence si vous ne le connaissez pas !
Vidéo de présentation du compositeur sur Arte
James Newton Howard à la MD17
Hollywood in vienna 2015 :
Hollywood in Vienna
Tous les ans, un grand concert met à l'honneur la musique de film à Vienne. Le concert est divisé en 2 parties : une première partie thématique avec des musiques de plusieurs compositeurs et une seconde partie consacrée à un compositeur invité pour l'occasion.
Joe Hisaishi
Joe Hisaishi : depuis « Nausicaa et la Vallée du vent », ses collaborations avec Hayao Myasaki ont été nombreuses et ont donné lieu à de très belles partitions, qui contribuent énormément à l'atmosphère des films du célèbre dessinateur des studios Ghibli. Il est aussi le compositeur phare du cinéma de Kitano et a réalisé récemment des musiques de jeux vidéo (loin des sons midi des premiers jeux vidéo, les partitions vidéo ludiques méritent également une oreille ! : lien : https://www.arte.tv/fr/videos/076822-000-A/le-jeu-video-a-la-philharmonie-de-paris/)
Alexandre Desplat
Alexandre Desplat est un compositeur prolifique qui semble sur tous les fronts cinématographiques, du film d'auteur aux grandes productions hollywoodiennes, en passant par le film d'animation. Si dans ces débuts, on pouvait discerner le style Desplat, c'est de moins en moins le cas chez ce compositeur qui se renouvelle sans cesse, empruntant à tous les styles musicaux pour trouver l'accord parfait avec les films pour lesquels il compose le score.
+ lien youtube https://www.youtube.com/channel/UCkSDY7L1xmwAS2jmifzaUww
+ lien france cultute : https://www.francemusique.fr/concert/maison-de-la-radio-auditorium-desplat-pahud-solrey-onf-desplat
Alexandre Desplat à la MD17 :
Ramin Djawadi
Ramin Djawadi : vous ne connaissez peut-être pas ce musicien et pourtant, vous avez déjà sans doute entendu sa musique ! C'est le compositeur de la série Game of Thrones ! Thèmes subtils, nostalgiques ou guerriers, il accorde une place importante aux cordes, au violoncelle notamment, pour notre plus grand plaisir.
Cover du groupe Break of Reality :
Ramin Djawadi à la MD17 :
Petits + En ligne :
- Cinezik : un site consacré aux bandes originales de film.
- Film Music Fan : chaîne youtube consacrée à la musique de film
- France Culture : genres musicaux/musiques de films : https://www.francemusique.fr/musiques-de-films
Je ne remercierai jamais assez la personne qui m'a fait tendre l'oreille devant les films pour découvrir derrière les images ce style musical d'une richesse parfois mésestimée.
Les BO sont de belles compagnes pour la lecture, les jeux de société, pour le travail... Inspirantes, mélancoliques, fantastiques, elles vous parlent de mystères ou d'aventures, de combats épiques ou d'amour...
Nous n'avons fait ici que survoler ce merveilleux terrain de jeux que la MD17 peut vous faire parcourir avec ses collections ! Alors, amusez-vous bien et belles écoutes !
Caroline