On pense souvent bien connaitre la seconde guerre mondiale mais en creusant un peu on se rend assez vite compte que certains aspects seulement de ce conflit sont connus 

: le débarquement, l’occupation, Hiroshima, Stalingrad, la Shoah etc. mais que d’autres le sont bien moins comme la guerre dans le pacifique ou ce que les Russes appellent « la grande guerre patriotique ».

Gueorgi Konstantinovitch Joukov (1896-1974) est un des plus grand acteur de ce conflit, connu essentiellement pour être le vainqueur de Berlin, celui qui a conduit les troupes soviétiques pour traquer les derniers vestiges des forces nazis dans leur ultime bastion.

Ce serait limiter son rôle à un seul épisode tant sa contribution fut déterminante dans ce conflit. On retrouve sa patte dans le siège de Léningrad, dans le sauvetage de Moscou en 1941, à Stalingrad, à Kourks et tant d’autres opérations cruciales de ce conflit.

Cette biographie ne parle pas que de la seconde guerre, près de 400 pages lui sont certes consacrées mais tout autant parle de ce qui se passe avant et après.

Car Joukov fut aussi un témoin privilégié de l’époque tsariste, de la révolution Russe, des grandes purges de 1936-37, de la déstalinisation opérée par Khrouchtchev.

Le plus intéressant dans ce livre est d'une part le rapport que les militaires entretenaient avec Staline, comment pouvaient-ils donner une opinion divergente face au Vjod qui avait fait exécuter tant de leurs camarades quelques mois auparavant ? L’aspect humain, émotionnel de ces généraux est ici abordé et il faut les imaginer bredouillant voire pleurant de peur face à Staline, c’est un angle assez inédit. On verra que Joukov était un des rares à pouvoir contredire franchement le dictateur.

D’autre part, ce livre aborde l’angle de la grande stratégie, de l’art opérationnelle, chose plus inédite encore.

Il est fréquent dans les ouvrages d’histoire militaire d’avoir des récits de combats entre des compagnies, des régiments, des divisions, c’est-à-dire des masses de 30-40 000 hommes (quand il y a plusieurs divisions en jeu) avec les objectifs de leurs généraux qui sont une ville, un pont etc. 

En revanche il est plus rare d’avoir une vision plus globale du conflit, plus en hauteur, ou se manie non plus des divisions mais des armées ou des fronts, c’est-à-dire des masses de 500 000 à près d’un million d’hommes. Les enjeux sont nettement plus importants dans cette optique.

C’est là tout le sel de ce livre car il démontre, sans négliger l’aspect humain de Joukov, comment ce fils de paysan au niveau scolaire proche de notre CE2 a pu battre l’aristocratie des militaires allemands pourtant formés dans de prestigieuses écoles. Ces derniers étaient certes bien plus doués au niveau tactique (les divisions) mais bien moins clairvoyant au niveau opérationnel.

Le travail d’historien de cet ouvrage est irréprochable, s’appuyant sur les documents d’origine, les témoignages de multiples protagonistes, les mémoires de Joukov etc. et dresse un portrait sans complaisance de ce maréchal visionnaire mais aussi brutal, impitoyable, très émotif et vantard parfois dans ses écrits.

On verra ensuite la disgrâce de Joukov après la grande guerre patriotique car jugé trop dangereux puis son retour pour jouer un rôle capital dans les événements de Budapest en 1956 ainsi que dans la constitution du Pacte de Varsovie.

Une lecture exigeante mais de qualité.

Vincent Ballet

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