logodeptlogobib

L’actualité m’a donné envie de vous faire découvrir ou redécouvrir une partie douloureuse de l’histoire américaine : celle de la ségrégation raciale aux États-Unis et de la lutte pour les droits civiques des Noirs américains.


Depuis le mois de mai 2020, des manifestations se sont déroulées aux Etats-Unis, suite à l’assassinat filmé de Georges Floyd, Afro-Américain, lors d’une interpellation par des agents de police. Sous le slogan et le hashtag « Black Lives Matter » (en français, « Les vies des Noirs comptent »), l’appel à la mobilisation contre les violences policières envers les minorités a pris une ampleur mondiale. Aux États-Unis, cela réactive de vieilles luttes pour la reconnaissance des discriminations envers la population noire.
black lives matter 5285958 340 Mais d'où vient ce "Black lives matter"?
En 2013, suite à l’acquittement d’un homme blanc ayant tué un jeune noir de 17 ans, Trayvon Martin, une femme militante de la communauté noire, Alicia Garza, réagit sur les réseaux sociaux pour exprimer son indignation. Elle termine son propos par la phrase « Black Lives Matter », reprise sous un hashtag (#) par l'une de ses amies, Patrisse Cullors. Les échanges sont partagés avec la leader d’un groupe de défense des droits des immigrants, Opal Tometi, et les trois femmes se retrouvent. C'est la naissance de ce nouveau mouvement. Au départ marginal, il est devenu aujourd’hui central. Il combat pour les droits des Noirs mais aussi plus généralement pour tout ceux qui sont victimes de double ou triple discriminations.
Ces dernières semaines, de nombreux journaux ont fait paraître des articles sur le sujet, qui remet en exergue la question des discriminations et des violences envers les minorités. Certains évoquent une mobilisation qui n’avait pas été aussi importante depuis le mouvement pour les droits civiques des années 1950-1960.

 

 Ainsi, après un rappel historique sur la ségrégation, je vous propose de revenir sur les événements et les grandes personnalités qui ont marqué la conquête des droits des Afro-américains aux Etats-Unis, surtout durant la période de la lutte pour les droits civiques. Et comme la création artistique est le meilleur témoin du passé au présent, je vous présente quelques références littéraires. Je n'ai pas la prétention de faire le tour de ces questions, tant elles sont vastes et complexes. Je vous donne juste quelques pistes et conseils de lecture pour mieux appréhender ce sujet toujours d'actualité... connaître le passé pour mieux comprendre le présent. Ma sélection d'ouvrages est donc non exhaustive.

 

L’abolition de l’esclavage et le début du combat pour l’égalité.
     En 1861, la guerre de sécession éclate entre les états du Sud et ceux du Nord. Un des points de rupture entre les deux parties est la question de l’esclavage. Les états du Sud y voit une main d’œuvre nécessaire à la culture du coton et ne veulent pas renoncer à leurs traditions suprématistes. L’élection du président Abraham Lincoln, nordiste et partisan de l’abolition de l’esclavage, les amène à faire sécession des états du Nord. Ces derniers sortent vainqueurs en 1865 et imposent l’abolition de l’esclavage dans les états du Sud. Entre 1865 et 1870, les 13e, 14e et 15e amendements de la Constitution des États-Unis interdisent l’esclavage, confèrent la citoyenneté aux Afro-Américains venant d’être affranchis ainsi que le droit de vote.
discrimination 60512 340Pourtant la population noire subit une ségrégation de fait qui va être rapidement légalisée. Dans un esprit de revanche, les états du Sud vont trouver des moyens de contourner le 13ème amendement, en faisant voter des lois pour exclure les Noirs-Américains de la vie sociale et politique et réduire considérablement leur liberté nouvellement acquise.
Profitant du régime fédéral qui laisse une grande autonomie aux états, les 11 du Sud établissent progressivement des codes séparant les Noirs des Blancs, instaurant un véritable apartheid, plus connus sous le nom des lois Jim Crow. Ces dernières organisent la mise à l’écart des Noirs-Américains dans les lieux publics : transports, écoles, hôpitaux, mais aussi dans des commerces ou lieux de loisirs. En 1896, un arrêt de la Cour Suprême, Plessy contre Fergusson, légitime la législation raciste par le principe hypocrite « Separate but Equal », « Séparés mais égaux ».

     Bien que l'égalité au droit de vote existe, les suprémacistes blancs au pouvoir font voter des clauses pour exclure les Noirs-Américains de la vie politique. Ainsi par exemple, à la fin du XIXème siècle, ils font ajouter des conditions pour être électeur telle qu'un test d'alphabétisation ou encore la clause du grand-père, qui réservait le droit de vote à ceux dont le grand-père pouvait voter en 1860, excluant de fait les descendants d'esclaves.

   En 1909 se crée la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People), organisation principale de revendication des droits des Afro-Américains au XXe siècle. Elle utilisait la justice pour défendre et faire valoir les droits des Noirs-Américains et organisait de nombreuses actions et manifestations.

     La ségrégation et les violences dans les États du Sud entraînèrent la migration d'une partie de la population noire vers les grandes villes industrielles du Nord. Mais même si là-bas la ségrégation n'existait pas dans la loi, elle l'était de fait. Les Afro-Américains étaient isolés dans des quartiers nommés les "colored districts" et se partageaient les emplois les plus modestes avec les migrants européens. Cela provoqua maintes fois des tensions et des émeutes.

 On peut découvrir la réalité de la ségrégation de la fin du XiXème siècle au milieu du XXème à travers ces témoignages de personnes Noires-Américaines, bouleversants et si plein d'espoirs ou de résilience:

- "Vie d'un esclave américain" de Frederick Douglass, l'un des premiers militants de la cause noire à la fin du XIXème siècle.

- les mémoires d'un homme qui a traversé le XXème siècle, "Life is so good: je suis né au Texas il y a 102 ans..." de Georges Dawson.

- un roman jeunesse, Prix Bernard Versele 2001 :

 

Le Ku Klux Klan (KKK ou Klan) : d’une société secrète à une organisation terroriste.

     Rien que l’évocation de ce nom donne froid dans le dos, tellement il est connu de tous pour ses exactions abjectes.
Au lendemain de la Guerre de sécession, les vaincus du Sud, n’acceptant pas leur défaite et refusant l’abolition de l’esclavage, fondent une société secrète, le Klu Klux Klan, visant à terroriser les populations noires affranchies. Justifiant son existence pour sauvegarder les « valeurs du Sud », elle n’est autre que l’expression de la volonté du maintien de la suprématie blanche aux États-Unis. Elle est à l’origine de la mise en place des lois ségrégationnistes dans le Sud.
     Ses méthodes sont particulièrement ignobles et viles. Elle use de références mystiques (accoutrement particulier fait d’une robe et d’une capuche pointue blanches, dénomination des membres tel que « grand sorcier » pour le chef,…) pour mieux terrifier et ne pas être reconnus. Elle fait subir intimidations, violences abominables, lynchages, incendies, meurtres à la population noire ou à quiconque remet en cause leur dogme suprémaciste.
Après l’assassinat d’un sénateur, qui offrait son soutien aux Noirs-Américains, par Le KKK, le gouvernement réagit enfin. En 1871, le « Klan Act » abolit l’organisation et permet d’en arrêter de nombreux membres. Ces derniers seront malheureusement rapidement relâchés, faute de preuves à leur encontre.
     Bien que cette société soit totalement interdite en 1877, elle ne disparaît pas complétement et reprend ses activités de plus belle autour de la première guerre mondiale. Elle bénéficie de l’appui du Président Woodrow Wilson, entre 1913 et 1921, ce qui lui donne une légitimité nouvelle. Dans les années 1920, elle compte progressivement parmi ses rangs pas moins de quelques millions d’adhérents jusque dans les états du Nord. Dès lors, les membres du Klan s’en prennent non seulement aux anciens esclaves mais aussi aux Juifs, immigrants et blancs communistes, socialistes, féministes… Toutes les peurs de l’Amérique la plus conservatrice sont concentrées et exacerbées au sein cette organisation.
     Après la seconde guerre mondiale, et suite à des divergences et problèmes financiers, le Klan disparaît. Néanmoins il reste des groupuscules qui s’en revendiquent, et commettent des actes terroristes.

 - Une sélection sur le sujet sous différents supports :

En 1939, l'immense chanteuse Billie Holiday interpréta une chanson, "Strange fruit", dénonçant le racisme et le lynchage des Afro-Américains. Elle a été reprise par de nombreux artistes, dont Molly Johnson sur son album hommage à Billie Holiday, "Because of Billie". L'histoire de cette chanson fait aussi l'objet d'un ouvrage.

 

Le mouvement pour les droits civiques (1955-1968) :

     Après l'horreur de la Seconde Guerre Mondiale, le respect des droits humains et des valeurs démocratiques sont mises au premier plan. Cela provoque un tournant majeur dans la lutte contre les pouvoirs oppresseurs. A partir des années 1950, enfin l'Amérique fait quelques pas vers la déségrégation.

En 1954, l'arrêt de la Cour Suprême, Brown versus Board of Education, déclare anti-constitutionnelle la ségrégation raciale dans les écoles publiques.

Les événements de Little Rock ou les "Neufs de Little Rock" :

     En 1957, neuf étudiants noirs sont autorisés à suivre leur scolarité au lycée de Little Rock, dans l’État de l'Arkansas. Or, le jour de la rentrée, ils sont attendus par une foule haineuse et repoussés par la garde nationale, convoquée par le gouverneur Orval Faubus sous couvert d'éviter les manifestations de violence. S'ensuit trois semaines de manifestations racistes, durant lesquelles les élèves ne peuvent accéder à leur école.Il faudra le soutien et la mobilisation de personnes telles que Woodraw Wilson Mann, maire de Little Rock, des membres de la NAACP, de la journaliste Daisy Bates ou de l'avocat Thurgood Marshall pour que les choses évoluent. Devant l'ampleur nationale des évènement, le Président Eisenhower dé-saisit le gouverneur de son autorité sur la garde nationale et envoie l'armée pour protéger les neufs élèves. C'est donc sous escorte qu'ils ont pu assister à leurs cours durant une année scolaire, malgré un harcèlement continu. L'année suivante, en 1958, malgré l'obligation d'intégration prononcée par la Cour Suprême, le gouverneur fait fermer les lycées de la ville, appuyé par un vote populaire. Ils ne seront réouverts qu'un an plus tard.

On peut imaginer le courage et la ténacité dont ces neufs jeunes ont fait preuve durant leur année scolaire.

- Retrouvez leur histoire dans un documentaire et un roman jeunesse.

 

Le boycott des bus de Montgomery (Alabama) :

     La ségrégation était très organisée dans les transports publics. Dans les bus, la partie avant était réservée aux blancs, celle du fond aux gens de couleur, "Colored". Quand à la partie du milieu, elle pouvait être partagée, à condition qu'il y ait de la place, et une personne noire ne pouvait s'asseoir ni à côté ni devant un blanc. C'est ainsi qu'à Montgomery, en 1955, Rosa Parks, femme Afro-Américaine assise au milieu du bus, ne voulut pas se déplacer au fond du véhicule pour céder la banquette à un homme blanc. Son arrestation fut le déclencheur d'un mouvement de protestation de la communauté noire, menée par Martin Luther King, peu connu alors. Quelques jours après l'événement, la population fût appelée à ne plus emprunter les bus. Ce boycott dura 381 jours. Le 13 novembre 1956, la Cour Suprême, à travers l'arrêt "Browder versus Gayle", déclare anti-constitutionnelle la ségrégation dans les bus. La nouvelle de cette affirmation fédérale mit plus d'un mois à arriver à Montgomery et clôtura alors le boycott.

De célèbres marches non-violentes : sur Washington et de Selma à Montgomery.

     En 1963, de nombreuses manifestations et sit-in pacifiques sont organisés, menés principalement par le pasteur Martin Luther King, notamment à Birmingham. Le 28 août 1963, la marche pour l'emploi et la liberté sur Washington, marque l'apogée du mouvement de lutte pour les droits civiques. Décidée par ses principaux leaders et ceux d'autres associations militantes, elle est un soutien au projet du Civil Rigths Bill présenté au Congrès en juin de la même année par John Fitzgerald Kennedy. Cette grande marche est destinée à sensibiliser et à influencer l'opinion publique et les politiques. Elle mobilise plus de 250000 personnes, venues de tout le pays, blanches et noires, médiatiques ou anonymes, pour une réelle reconnaissance des droits civiques des Noirs-Américains et la fin de la ségrégation. De nombreux artistes se joignent à l'initiative, tels que Marlon Brando, Josephine Baker, Bob Dylan... et bien d'autres. Tous se réunissent devant le Lincoln Mémorial, lieu éminemment symbolique, pour écouter les discours des différents leaders. C'est là que Martin Luther King prononça son discours le plus célèbre "I have a dream", dont voici deux extraits :

"Je rêve qu'un jour sur les collines rousses de Georgie les fils d'anciens esclaves et ceux d'anciens propriétaires d'esclaves pourront s'asseoir ensemble à la table de la fraternité." Martin Luther King
"Je rêve que mes quatre petits enfants vivront un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés sur la couleur de leur peau, mais sur la valeur de leur caractère. Je fais aujourd'hui un rêve!" Martin Luther King

president 63219 640

Cette forte mobilisation verra son aboutissement en 1964, avec le vote du « Civil Rigths Act », par le Président Lyndon B. Johnson. Cette loi proscrit toutes sortes de discriminations, que ce soit dans l'emploi ou les domaines sociaux, prévoyant des sanctions contre les États qui ne la respecteraient pas.

Malgré tout, l'inscription sur les listes électorales pour les Afro-Américains reste toujours très difficile. En février 1965, lors d'une manifestation pacifique pour le respect des droits électoraux à Selma, un militant est abattu par un agent de police. En réaction de défense, une marche est organisée au mois de mars suivant pour rejoindre la capitale de l'Etat, Montgomery. En réalité, cette marche se fera sur trois tentatives, du fait des barrages de police. Six cent manifestants partent de Selma lors de la première journée, qui fût nommée "Bloody Sunday" à cause de la répression policière et de la violence de groupes racistes. Les images furent médiatiques et influencèrent l'opinion publique en faveur du soutien des manifestants. Martin Luther King rejoint la marche lors de la deuxième journée, mais les militants sont obligés de faire une nouvelle fois demi-tour. La troisième tentative aboutit enfin à l'arrivée à Montgomery, suite à quatre jours de marche. Et cette fois-ci se sont plus de 25000 personnes qui se sont réunies pour remettre une pétition au gouverneur! Martin Luther King y prononce un autre de ces célèbres discours.
Quelques mois plus tard, le  "Voting Rigth Act" est adopté et supprime les tests et diverses taxes auparavant imposés pour devenir électeur.

-  Le film documentaire "Freedom on my mind" retrace la lutte d'Afro-Américains, entre 1960 et 1964 dans le Mississippi, pour les droits civiques. Le "Freedom Democratic Party" défia les institutions et le Parti Démocratique et mena un combat courageux pour faire respecter les droits des Noirs-Américains, en leur permettant de s'inscrire sur les listes électorales.

                            

Au cours de ces années le mouvement se divise car la ségrégation existe toujours. Ainsi, des organisations plus radicales ont vu le jour comme les "Black Muslims" ou le "Black Panthers Party".

 
En 1967, l’arrêt de la Cour Suprême, Loving versus Virginia, valide le mariage entre un homme noir et une femme blanche et déclare anti-constitutionnelle l’interdiction des mariages mixtes.
- L'histoire de ce couple et son combat a fait l’objet d’un film :

 Ce mouvement pacifique de lutte pour les Droits Civiques porté Martin Luther King s’essouffle avec l’assassinat de celui-ci en 1968. Mais la lutte continuera sous d'autres formes par la suite.

 

Les grandes personnalités du combat pour les droits des Afro-Américains
Martin Luther King (1929-1968) : le plus connu, leader emblématique du mouvement des Droits Civiques des Noirs aux États-Unis. Pasteur baptiste Afro-Américain, sa lutte est marquée par les principes de la non-violence et de la paix. Il fonde la SCLC (Southern Christian Leadership Conference) en 1957, après l'épisode du boycott des bus de Montgomery. Ses talents d'orateur, sa démarche pacifiste mais non moins revendicatrice, lui valent une grande popularité et une force politique incontestable.
En 1963, lors de la marche de protestation vers Washington, il prononce son célèbre discours « I have a dream » qui a été traduit et qui est connu dans le monde entier.
Prix Nobel de la Paix en 1964, il est assassiné en 1968. Sa mort provoque émoi et émeutes dans tous le pays.

- De nombreux ouvrages lui sont dédiés : biographie, discours, sous différentes formes. Vous saurez tout sur cette immense personnalité. 

Rosa Parks (1913-2005) : cette femme Afro-Américaine était loin d’imaginer que son refus de céder sa place à un blanc dans le bus, ferait  d’elle une figure emblématique de la lutte pour les droits civiques. En effet, le 1er décembre 1955, alors qu’elle est dans un bus de la ville de Montgomery, elle refuse d’obéir au chauffeur qui lui demande de se déplacer à l’arrière, dans l’espace réservé aux gens de couleur, pour laisser sa place à un blanc. Devant cette désobéissance civile, le chauffeur fait intervenir la police, qui l’arrête. Elle est emmenée au poste de police, inculpée pour « désordre public et violation de lois locales». Elle écope finalement d’une amende. Cet événement est à l’origine du boycott des bus de Montgomery, qui pratiquait la ségrégation dans leurs transports.

- Plusieurs ouvrages, documentaires adulte ou jeunesse, lui sont consacrés ou reviennent sur son parcours :

- Elle témoigne de ces événements et de sa lutte dans une autobiographie rédigée avec l'aide d'un journaliste noir américain :

Malcom X (1925-1965) : de son vrai nom Malcolm Little, il est une personnalité controversée de la lutte pour les droits des Afro-Américains. Fils d’un militant assassiné, son enfance est marquée par les violences du Ku Klux Klan. Ses dérives délinquantes adolescentes l’amènent en prison entre 1946 et 1952, années durant lesquelles il étudie et se convertit à l’Islam. A sa sortie, il devient leader d’une organisation religieuse, Nation of Islam, avec laquelle il rompt quelques temps plus tard pour un militantisme plus politique et plus indépendant. Ses discours et prises de position étaient souvent radicaux et c’est pour cela qu’il était controversé.
Avant son assassinat en 1965, il se rapproche du mouvement des Droits Civiques, même si des désaccords persistaient avec la philosophie non-violente de celui-ci. A la fin de sa vie, il milite contre toutes formes d’oppression envers les peuples ayant été colonisés.
Spike Lee a réalisé un film sur lui, "Malcolm X", en 1992, tout aussi controversé que le personnage.

 

Et d’autres peut-être moins connus :

Medgar Evers (1925-1963) : activiste Afro-Américain, il fut l'un des responsable de la NAACP. Assassiné, lui aussi, en 1963 par un suprémaciste blanc qui ne fut condamné que 30 ans plus tard (en 1994). 

L'histoire du procès de son meurtrier a été l'objet d'une chanson de Nina Simone "Mississippi Goddam", à retrouver sur l'album suivant :

 

 

Dorothy Counts (1942-…) : en 1957, elle est l’une des premières étudiantes noires admise à l’établissement d’enseignement secondaire de la ville de Charlotte (Caroline du Nord). Tout comme les neufs de Little Rock cette année-là, elle est accueillie le jour de la rentrée par une foule qui l’insulte et crache dans son dos. Elle fit preuve, elle aussi, d’un sacré courage : tête haute,  incroyablement digne du haut de ses 15 ans, elle a marché sans réagir jusqu’à son lycée. Après 4 jours d’intimidations et de menaces, ses parents décident de la retirer du lycée par mesure de protection. La famille déménagera ensuite et heureusement Dorothy suivra des études supérieures à Philadelphie.

Son image est connue dans le monde entier, grâce à un cliché que le photographe Douglas Martin pris d’elle le fameux jour de cette rentrée, et qui remporta le World Press of the Year 1957. C'est cette photographie qui bouleversa James Baldwin (auteur dont je parle peu après), alors qu'il s'était exilé en France, et l'incita à rentrer dans son pays pour participer au mouvement des Droits Civiques.

- Elise Fontenaille-N'Diaye fait le récit de son parcours, prenant le parti du point de vue de Dorothy, lors de ces événements, dans un roman jeunesse.


Angela Davis (1944-) : fille de militants communistes noirs, elle a étudié à l'Université et est influencée par ses voyages en France et en Allemagne. Féministe, communiste et militante des droits civiques, notamment au sein des Black Panthers, elle est surveillée par le FBI. Son destin bascule en 1970 : elle est accusée d'avoir participé à l'organisation d'une prise d'otages visant à libérer des détenus Noirs-Américains. Elle ne voit alors d'autre solution que de fuir. Durant deux mois, elle est traquée par le FBI, et finit par être arrêtée et jugée. Elle risque la peine de mort mais sera acquittée faute de preuves mais surtout sous la pression internationale. En effet, partout dans le monde des manifestants ou célébrités la soutiennent et demandent sa libération. Elle est ainsi devenue un symbole de la lutte contre l'oppression et les discriminations. Un figure du "Power to the people" et du "Black power" des années 1970.

- Un film documentaire, "Free Angela", de Shola Lynch, est consacré à son histoire, bien qu'une grande partie du film porte sur sa traque par le FBI, son procès et son acquittement.

Deux documentaires jeunesse, l'un lui étant consacré et l'autre où apparaît un portrait d'elle, parmi d'autres "combattantes" :

 

La littérature afro-américaine, témoin d'une époque passée et présente.

Elle ne traite pas, fort heureusement, uniquement de la ségrégation ou de la lutte des Noirs-Américains pour faire respecter leurs droits. D'ailleurs, de nombreux contemporains contestent le fait de désigner "une littérature noire". Je vous invite à consulter un article de Télérama à ce sujet : Article Télérama "Il n'y a pas de littérature noire!"

Néanmoins, les premiers auteurs sont marqués par leur vécu de la ségrégation et le partagent dans leurs œuvres. Cette littérature a participé à une prise de conscience et a été parfois marquée par l'engagement, d'hier à aujourd'hui.

De grands auteurs et autrices Africains-Américains :

Richard Wright (1908-1960) : petit-fils d'esclave, il vit une enfance difficile dans le Mississippi. Dès son adolescence, il commence à écrire sur les injustices et la ségrégation raciale. L'un des premiers grands romanciers Noir-Américain reconnu, son deuxième roman "Black boy", publié en 1945, est un succès mondial. Il s'installe à Paris "pour vivre dans un monde plus large et plus libre" confie-t-il à l'Express peu avant sa mort en 1960.

- L'un des premiers romans à parler de la condition des Noirs-Américains durant la ségrégation, "Black Boy" est le récit autobiographique de sa jeunesse, dans le Mississippi. Il y partage ses souvenirs faits de misère et de violence, nous montrant le racisme au quotidien. C'est aussi un roman qui aborde de nombreux thèmes, tels que l'éducation, la religion, la politique, les liens complexes entre blancs et noirs dans cet État profondément ségrégationniste. Mais il est aussi porteur d'espoir à travers la formidable combativité de l'auteur.

 

 

Ralph Ellison (1914-1994) : Grand intellectuel et écrivain, il fut le premier Afro-Américain à remporter le National Book Award en 1953 pour son roman « The invisible man », traduit en France en 1969 sous le titre « Homme invisible, pour qui chantes-tu ? ». Ralph Ellison a étudié la musique, particulièrement le Jazz et le Blues, qui marquent son œuvre. Il a publié des essais, études et nouvelles sur la condition des Noirs aux États-Unis et le jazz.

- Son unique roman relate la quête identitaire d’un homme noir, anonyme tout au long du livre : étudiant prometteur dans une université, ouvrier, activiste d’une confrérie de lutte pour les droits civiques, il ne vit que de désillusions malgré ses efforts et son travail. L’invisibilité dont il parle est d’abord celle qu’il vit aux yeux des blancs, mais évoque aussi un désir de disparaître aux yeux de ceux qui veulent le manipuler ou le soumettre, peu importe leur couleur de peau.

 

James Baldwin (1924-1987) : il est considéré comme l’un des plus grands auteurs du XXe siècle. Né à Harlem, ghetto noir de New-York, il grandit auprès de sa mère, d’un beau-père rude et de ses frères et sœurs. Victime de harcèlement par des policiers dès l’âge de 10 ans, il comprend vite qu’il ne pourra pas évoluer dans cette société américaine discriminante. A son adolescence, il rencontre le peinte Beauford Delanay qui lui montre le champ des possibles et l’encourage à devenir écrivain.
Ne supportant plus les discriminations, il s’exile en France en 1948, où il trouve un peu plus de liberté. Il y rencontre de nombreux intellectuels français et se consacre à l’écriture. Les tensions raciales, auxquelles son pays est en proie dans les années 1950, l’amènent à y retourner pour rejoindre le mouvement de lutte pour les droits civiques. Invité sur de nombreux plateau de télévision, il milite pour une prise de conscience des américains sur les discriminations incessantes envers les afro-américains.
Après l’assassinat de ses compagnons de lutte, tels que Martin Luther King et Malcom X, et celui du président J-F. Kennedy, il revient à nouveau en France en 1970 et s’installe à Saint-Paul de Vence. Beaucoup d’amis musiciens, comme Miles Davis, Ray Charles, Nina Simone ou Joséphine Baker, et d’autres intellectuels viennent lui rendre visite. Il y finit sa vie en 1987.

- Deux de ses romans, où il est question entre autres de quête d'identité :

- L'excellent documentaire de Raoul Peck, constitué exclusivement de propos, discours, écrits, échanges, de James Baldwin :

 

Maya Angelou (1928-2014) : de son vrai nom Marguerite Johnson, elle est une artiste complète : écrivaine, poétesse, actrice, compositrice, réalisatrice… connue et reconnue aux États-Unis et dans le monde.
La séparation de ses parents et le viol qu’elle a subi de la part de son beau-père, l’ont amené à être élevée en grande partie par sa grand-mère, avec son frère. Traumatisée, elle est restée mutique de nombreuses années.
Chanteuse et danseuse à ses débuts, elle se lance dans l’écriture au début des années soixante, encouragée par James Baldwin. Elle a publié plusieurs autobiographies, dont la première, « I Know Why the Caged Bird Sings » parue en 1969 (en français, « Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage »), lui vaut une reconnaissance internationale. Engagée activement dans le mouvement de lutte pour les droits civiques, elle sympathisa avec Martin Luther King et Malcolm X. Elle s'engage aussi dans les pays d'Afrique, avant de revenir aux États-Unis.

- "Tant que je serai noire" poursuit le récit de sa vie à partir de 1957, après "Je sais pourquoi chante l'oiseau en cage" qui relatait son enfance. Elle raconte son départ pour Harlem, son devenir d'écrivain, parle de son fils qu'elle élève seule. Elle rencontre de nombreux artistes et les leaders du mouvement des droits civiques auprès desquels elle s'investit. Autobiographie d'une femme indépendante et engagée.

- Et un documentaire jeunesse récent et coloré présente sa biographie :

 

 

 Toni Morrison (1931-2019) : célèbre écrivaine, éditrice et professeur, elle a été distinguée par le prix Pulitzer pour son roman "Beloved" en 1988 et par le Prix Nobel de littérature en 1993. Vous pouvez retrouver un article à son sujet, rédigé par Valérie, à l'occasion de sa disparition en 2019, ici :  Toni Morrison "Révoltée jusqu'au bout"

- Voici une sélection de quelques uns de ses ouvrages.

 

Pour compléter mes précédents conseils de lecture, voici une sélection, pour la plupart des romans adulte ou jeunesse, récents ou non, qui parlent de la ségrégation, du racisme et du mouvement de lutte pour les Droits Civiques. Vous y trouverez entre autres :

- l'absolument incontournable "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" d'Harper Lee, prix Pulitzer 1961. Ce roman a été récemment adapté en roman graphique par Fred Fordham.

- le roman de Gaëlle Nohant, "La femme révélée", dans lequel la discrimination n'est pas le premier sujet abordé au début du récit, mais l'histoire de son héroïne est intimement liée à la ségrégation. La lutte pour les Droits Civiques marque la deuxième partie de l'histoire.

- Le bestseller "La couleur des sentiments", qui a été adapté au cinéma.

- Le roman pour adolescents, "Rita, New-York, 1964" de Unni Nielsen, expose l'Amérique des années 1960 à travers l'expérience de Rita, jeune norvégienne à New-York, et évoque la lutte pour les droits civiques à laquelle elle prend part.

 - le roman "Underground railroad" de Colson Whitehead, Prix Pulitzer 2017.

- une BD, "Old pa Anderson" d'Yves H. et Hermann, ce dernier ayant reçu le Grand prix du festival de la BD d'Angoulême en 2016.

- ou encore le documentaire très actuel de Ta-Nehisi Coates, "Une colère noire : lettre à mon fils".

D'autres créations artistiques sont à la fois témoins de cette histoire douloureuse des États-Unis et déclencheurs de prises de conscience.

L'histoire vue par l'art graphique et photographique :

- "Mes yeux ont vu : la cause des Noirs américains : un combat pour la liberté", avec les clichés commentés du célèbre photographe américain Bob Adelman.

- Un documentaire très complet du point de vue de la création artistique noire de la fin du XIXème à la fin du XXème siècle.

 La musique afro-américaine, inspirée et inspirante, a influencé toute la musique populaire.

- Aux origines du blues... Alan Lomax, ethnomusicologue a publié une référence en la matière. Missionné, avec son père, par la Bibliothèque du Congrès de Washington, pour enregistrer le folklore, chants et musique populaire du Delta du Mississippi, il a sillonné les exploitations agricoles, églises et ghettos noirs dans l'Amérique ségrégationniste. Allant à la rencontre de ceux qui vivent et font vivre le blues, il retranscrit tout le sens de cette musique folklorique par un travail de collectage qui a duré plusieurs décennies.

- Une sélection d'une centaine d'albums essentiels, allant du blues, en passant par le Jazz, la Funk, la Soul, jusqu'au Hip-hop : avec des commentaires pour chaque titre choisi. Passionnant!

- Du même titre un autre ouvrage retraçant l'histoire de la musique noire au XXème siècle : issu de l'Exposition à la Cité de la musique (Paris) en 2014.

 

 

 Emeline-MD17